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Une action directe, dans les domaines politiques et sociaux, est le mouvement d'un individu ou d'un groupe qui agit par lui-même, afin de peser directement sur un rapport de force pour changer une situation et ceci, sans déléguer le pouvoir à un intermédiaire (« représentant », professionnel de la politique, bureaucrate, etc.). Principalement rattachée à la mouvance anarchiste dont elle est issue, l'action directe peut être pacifique ou non. Elle est également utilisée de nos jours par des mouvements qui ne se réclament officiellement d'aucun courant de l'anarchisme.
Une action directe peut être légale ou illégale, elle ne correspond ni à un légalisme étroit ni à un illégalisme de principe. Elle n’est pas nécessairement violente, mais elle n’exclut pas obligatoirement la violence. Il n’y a donc pas de forme spécifique à une action directe.
La désobéissance civile est une forme d'action directe qui implique de ne pas respecter une loi volontairement, en plaçant la conscience morale au-dessus de la loi.
L'action directe est généralement opposée à « l’action indirecte ou politique ».
En 1912, dans son essai en défense de l'action directe, l'anarchiste américaine Voltairine de Cleyre souligne des exemples tels que ceux de la Boston Tea Party en faisant remarquer que « l’action directe a été toujours employée et jouit de la sanction historique de ceux-là mêmes qui la réprouvent actuellement ». Elle précise, par ailleurs, le côté quasi-universel de son utilisation : « Toute personne qui a pensé, ne serait-ce qu’une fois dans sa vie, avoir le droit de protester, et a pris son courage à deux mains pour le faire ; toute personne qui a revendiqué un droit, seule ou avec d’autres, a pratiqué l’action directe. Toute personne qui a eu un projet, et l’a effectivement mené à bien, ou qui a exposé son plan devant d’autres et a emporté leur adhésion pour qu’ils agissent tous ensemble, sans demander poliment aux autorités compétentes de le concrétiser à leur place, toute personne qui a agi ainsi a pratiqué l’action directe. Toutes les expériences qui font appel à la coopération relèvent essentiellement de l’action directe »
En 1930, le syndicaliste révolutionnaire Pierre Besnard définit l'action directe comme « une action individuelle ou collective exercée contre l’adversaire social par les seuls moyens de l’individu et du groupement. L’action directe est, en général, employée par les travailleurs organisés ou les individualités évoluées par opposition à l’action parlementaire aidée ou non par l’État. L’action directe peut être légale ou illégale. L’action directe n’est pas, cependant, nécessairement violente, mais elle n’exclut pas la violence. Elle n’est pas, non plus, forcément offensive. Elle peut parfaitement être défensive ou préventive ».
En 1963, depuis sa cellule de la prison de Birmingham, Martin Luther King explique sa philosophie de l'action directe : « Vous vous demandez sûrement : « Pourquoi choisir l'action directe ? Pourquoi organiser des sit-in, des marches, etc. ? La négociation n'est-elle pas un meilleur chemin ? » Vous avez tout à fait raison en faisant appel à la négociation. Car c'est bien là le but même de l'action directe. L'action directe non violente vise à créer un état de crise et une tension suffisante pour obliger à négocier une communauté qui s'y est toujours refusée ».
En 2009, le philosophe Jean-Christophe Angaut précise « la notion d’action directe, telle qu’elle est élaborée à la fin du XIXe siècle, désigne une action menée directement par ceux qui sont concernés, indépendamment de toute médiation étatique (par exemple une grève générale expropriatrice, menée par les intéressés et qui consiste à mettre directement en place un autre mode de production, est une action directe ; un assassinat qui prétend défier le pouvoir d’État pour en préparer la conquête n’est pas une action directe) ».
Association internationale des travailleurs | |
« L'émancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes » |
La notion d'action directe apparaît chez les syndicalistes révolutionnaires et les anarcho-syndicalistes au début du XXe siècle.
En 1908, les Industrial Workers of the World américains la définit simplement comme « l’action économique des travailleurs, eux-mêmes, sans l’aide trompeuse des leaders réformistes ou de politiciens. Une grève qui est décidée, contrôlée et menée directement par les travailleurs est une action directe.., l’action directe c’est l’action commune sur le lieu de travail pour améliorer les conditions de celui-ci ».
Émile Pouget, leader de la Confédération générale du travail d'avant 1914 précise : « L’action directe, manifestation de la force et de la volonté ouvrière, se matérialise, suivant les circonstances et le milieu, par des actes qui peuvent être très anodins, comme aussi ils peuvent être très violents. C’est une question de nécessité, simplement. Il n’y a donc pas de forme spécifique à l’action directe. » (L'Action Directe, 1910).
L'action directe, individuelle ou collective, fonde l'autonomie des luttes ouvrières vis-à-vis des pouvoirs constitués. Pierre Besnard écrit, en 1930 : « Le syndicalisme révolutionnaire possède une méthode d’action bien à lui : l’action directe. » Pour tout de suite nous mettre en garde : « Il est, je crois, nécessaire d’en donner une définition aussi précise que possible. Cela me paraît même d’autant plus nécessaire que des erreurs de compréhension au sujet de l’action directe sont plus graves et risquent d’être plus dangereuses ».
Né de la réflexion sur l'échec de la propagande par le fait, l'action directe ne se résume pas à l'usage caricatural de la « violence directe ». Elle vise surtout à rompre avec les techniques d'encadrements institutionnels et à s'affranchir des idéologies sur lesquelles elles reposent. C'est donc par essence un refus radical des médiations politiques. Pour ses partisans, condition de l'émergence d'une créativité révolutionnaire, l'action directe généralisé a pour objectif la grève générale expropriatrice.
La notion d’action directe avec son rejet d'une politique qui demande aux gouvernements de modifier leur fonctionnement, en faveur d’une intervention physique contre le pouvoir d’État d'une manière qui préfigure elle-même une alternative, tout cela émerge directement de la tradition libertaire. Le concept d’action directe est une clé essentielle pour saisir la nature du projet libertaire.
Le syndicaliste Jacques Rennes décrit l’action directe comme « le procédé de commencement, de développement et de fin du syndicalisme » et considère que « l’action directe n’est pas seulement un acte de combat corps à corps, mais un acte de construction, un acte institutionnel l’action directe s’étend ainsi de la grève à la création de bibliothèques populaires parmi cent autres institutions. ». Il assigne, par ailleurs, d’autres dimensions à l’action directe. Ainsi dans la lutte contre le militarisme, le sabotage et le boycott sont-ils considérés, pour lui, comme des formes de l'action révolutionnaire.
La classification ci-dessous est nécessairement arbitraire, dans la réalité les formes d'action ne sont pas aussi cloisonnées et peuvent passer d'une catégorie à une autre. Ainsi, par exemple des zones à défendre ou du Black Bloc.
« Mais la foi aveugle en l’action indirecte, en l’action politique, a des conséquences bien plus graves : elle détruit tout sens de l’initiative, étouffe l’esprit de révolte individuelle, apprend aux gens à se reposer sur quelqu’un d’autre afin qu’il fasse pour eux ce qu’ils devraient faire eux-mêmes ; et enfin elle fait passer pour naturelle une idée absurde : il faudrait encourager la passivité des masses jusqu’au jour où le parti ouvrier gagnera les élections ; alors, par la seule magie d’un vote majoritaire, cette passivité se transformera tout à coup en énergie. En d’autres termes, on veut nous faire croire que des gens qui ont perdu l’habitude de lutter pour eux-mêmes en tant qu’individus, qui ont accepté toutes les injustices en attendant que leur parti acquière la majorité ; que ces individus vont tout à coup se métamorphoser en véritables « bombes humaines », rien qu’en entassant leurs bulletins dans les urnes ! »
— Voltairine de Cleyre, De l'action directe, Mother Earth,